Une providence pour le Col de Porte

Depuis l’hiver 2015-2016, le Col de Porte revit, renait de ses cendres. Pour un habitant de l’agglomération grenobloise, monter au Col de Porte était devenu une épreuve tant le site avait perdu de sa superbe. Haut lieu du ski et de l’apprentissage, le site tombait en désuétude avant que Didier Bic, président des Portes de Chamechaude, n’investisse les lieux et s’investisse corps et âme pour une station et un territoire qu’il affectionne tout particulièrement, avec en tête un projet d’avenir, humaniste voire philanthropique. Retour sur une véritable aventure humaine.

N’ayons pas peur des mots, le Col de Porte revit littéralement depuis un an. Tombé en désuétude, la station la plus proche de Grenoble était clairement sous-exploitée, et nombreux étaient celles et ceux à constater, la mort dans l’âme, que la station périclitait jour après jour, jusqu’au 24 décembre 2015. Certains pourraient parler de la magie de Noël qui a touché le Col de Porte, d’autres pourront tout simplement saluer l’altruisme d’un homme qui a décidé d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du Col de Porte, une station historique à plus d’un titre. C’est notamment au sein de ce petit domaine du massif isérois de la Chartreuse qu’a été installé l’un des premiers téléskis au monde par le « Père Rossat », appareil rudimentaire qui a donné l’idée à un certain Jean Pomagalski au milieu des années 1930, de créer le premier téléski à perches. Depuis, nombreux ont été les Grenoblois à débuter le ski sur les pentes du Col de Porte puis à emmener leurs enfants qui, à leur tour, ont emmené les leurs. Situé à vingt minutes de l’agglomération grenobloise, le Col de Porte renaît donc depuis le 24 décembre 2015 grâce à un homme, Didier Bic, qui seul a décidé de lui offrir une seconde vie.

Didier Bic Président des Portes de Chamechaude, opérateur du domaine du Col de Porte

L’avenir sourit aux audacieux
Si l’occasion d’exploiter le Col de Porte s’était déjà présentée en 2009, Didier Bic a préféré saisir l’opportunité en 2015, après avoir été sollicité par des élus locaux durant le salon Mountain Planet 2014. « En 2009, je n’étais peut-être pas encore prêt ou mâture pour reprendre l’exploitation d’un domaine skiable, mais dès 2014 j’ai commencé à m’intéresser au projet du Col de Porte, et j’ai rapidement mis le doigt dans l’engrenage et n’ai pu en sortir ! » explique Didier Bic pour qui, reprendre cette station, s’est rapidement imposé. « Je connais bien la station pour y avoir fait du ski, pour y avoir emmené mes enfants alors débutants et pour être monté un certain nombre de fois à Chamechaude. Qui plus est, j’habitais au pied du Col, à Saint- Ismier, et à chaque fois que je passais au Col de Porte, je trouvais que la station avait un certain potentiel qui n’était, à mon sens, pas suffisamment exploité ». A chaque fois ou presque que Didier Bic passait par le Col, il pensait à l’Autriche, à ses cols qui hébergent des stades de neige, qui sont valorisés, attractifs, harmonieux et faciles d’accès. Plus qu’un modèle, une évidence vers laquelle tendre.

Une station tombée en désuétude
A son arrivée, Didier Bic découvre une station et un domaine skiable en mauvais état tant sur le versant Prairie, dédié aux débutants et aux enfants, que sur le versant Chamechaude, plus technique et destiné aux skieurs confirmés puisque composé de deux téléskis : Hôtel de 700 m de long et Chamechaude de 1 000 m de long. « Les remontées mécaniques et l’ensemble du matériel étaient obsolètes. Dans le cadre du rachat j’avais expressément demandé au précédent exploitant de remettre en état les remontées mécaniques car le 8 mars 2015, le STRMTG avait fait une recommandation pour les fermer, donc de facto la station ». Si les remontées ont été rénovées, Didier Bic a tout de même dû investir l’équivalent annuel du chiffre d’affaires pour compléter leur remise en état, et notamment faire l’acquisition de nouvelles perches permettant de faire face à l’affluence des belles journées. Pour le reste, Il a fallu défricher certaines pistes et tout remplacer. Pour ce faire, Didier Bic a usé de son réseau tant auprès des fournisseurs que des exploitants de domaines skiables qui ont tous joué le jeu. « Le site doit accueillir des enfants, nous ne pouvions pas nous permettre de proposer des aménagements obsolètes. La sécurité est et doit être notre maître mot ». Désormais, tout a fait peau neuve, de la dameuse à la moto-neige en passant par les filets et les matelas de protection notamment.

Une mobilisation totale
Si Didier Bic s’est investi, et a investi personnellement pour reprendre le fond de commerce ainsi que la DSP qui court encore pour onze année au travers d’une structure : les Portes de Chamechaude qu’il détient à 100%, c’est que la dynamique engagée par les acteurs du territoire, notamment les élus de Sarcenas et des communes environnantes, n’y est pas étrangère. « Les élus ont la volonté de redynamiser le Col de Porte ainsi que l’ensemble du territoire. Ils ont déjà mené une forte action en faveur du nordique avec notamment la création d’un stade de biathlon, ont le projet de créer une Maison de la Montagne et avaient émis le souhait de dynamiser le ski alpin, ce sur quoi je m’applique et m’implique ». Car oui, à l’heure actuelle, Didier Bic dédie l’ensemble de son temps libre au Col de Porte. Dès qu’il quitte son bureau de directeur général de Kässbohrer E.S.E., c’est pour enfiler son costume de président des Portes de Chamechaude ou ses bottes de chef de chantier, surtout à l’automne dernier. Cette nouvelle casquette lui fait d’ailleurs prendre conscience de certaines problématiques notamment administratives et règlementaires. « Je suis confronter aux causes que je défends avec l’AFMONT, association que je préside, notamment autour de la campagne « Anticiper, c’est gagner » puisque cette année, nous avons presque tout réalisé au dernier moment. Nous avons même fait réaliser un nouveau massif béton pour l’un de nos téléskis au mois de décembre : c’est parfois difficile d’anticiper ! », tient à ajouter un Didier Bic amusé de la situation.

Une vision humaniste
La logique poursuivie par Didier Bic au Col de Porte est presque philanthropique et humaniste. « Je ne suis pas là pour m’enrichir, l’objectif est de ne pas perdre d’argent » précise t-il. Mais pourquoi a-t-il donc fait l’acquisition du fonds de commerce et a-t-il personnellement investi pour reprendre l’exploitation de la station ? Si bien évidemment l’amour du territoire résonne trop fort pour que l’on ne puisse pas l’entendre, le dessein qu’il poursuit est plus humaniste encore. « L’idée que j’avais derrière la tête était de faire monter les enfants sur des skis. Le non-renouvellement de la clientèle est une problématique importante pour notre industrie et nos territoires, et ce projet permet de s’inscrire dans une dynamique allant dans le sens du renouvellement générationnel. Nous sommes près d’une grande agglomération et nous participerons à créer des skieurs » avoue Didier Bic qui a lui-même fait découvrir le ski à ses enfants au Col de Porte. Le ski a la réputation d’être un sport et un loisir onéreux car nécessitant du matériel spécifique et l’achat d’un forfait. Pour autant, l’idée du nouvel exploitant est de rendre le ski accessible au plus grand nombre et ludique pour qu’il séduise tout autant. « Si on fait des sites faciles d’accès et pas chers, nous aurons gagné notre pari. Il faut que ce soit simple et fluide » souligne Didier Bic. Didier Bic compte développer le Col de Porte autour de trois axes : redonner au site un attrait touristique aussi bien l’hiver que l’été, développer des activités familiales et donner une nouvelle orientation à la station en favorisant des activités ludiques pour attirer une clientèle jeune, et offrir aux scolaires de l’agglomération grenobloise un site de proximité adapté à leurs besoins.

« Le non-renouvellement de la clientèle est une problématique importante pour notre industrie et nos territoires, et ce projet permet de s’inscrire dans une dynamique allant dans le sens du renouvellement générationnel. »

Le meilleur moyen de prévoir le futur, c’est de le créer
Des idées pour développer la station, Didier Bic n’en manque pas, tout comme l’ensemble de l’équipe qui l’accompagne, collaborateurs dirigés par Dominique Pila. Pour les mettre en œuvre, l’exploitant du Col de Porte a investi et a lancé une opération de financement participatif. L’objectif ? Obtenir 30 000 euros pour financer l’installation d’un nouveau téléski permettant aux débutants et aux enfants de rejoindre le haut de la station, pour développer le snowpark et ainsi faire revenir une clientèle jeune à la recherche de ludisme, et éclairer pistes et snowpark sur le secteur Chamechaude afin de proposer un produit nocturne aux clients. L’équipe du Col de Porte imagine aujourd’hui le futur de la station, un futur qui se veut résolument optimiste et orienté tant vers les activités hivernales qu’estivales. Que dire si ce n’est que les amoureux et soutiens du Col de Porte ont été nombreux puisque ce ne sont pas les 30 000 euros espérés qui ont été collectés, mais 35 920 euros grâce à 253 contributeurs. Didier Bic l’a annoncé, les sommes supplémentaires récoltées « serviront à l’amélioration environnementale du Col, à commencer par le remplacement du moteur thermique du téléski Grand Chamechaude ». Une attention toute particulière est effectivement portée sur l’intégration paysagère des différents aménagements, à l’image du tapis qui a pris place sur le secteur de la Prairie cet automne et de l’éclairage nocturne dont les réseaux électriques ont été soigneusement enterrés. « Nous souhaitons réaliser des aménagements discrets et durables » rappel Didier Bic.
Avec la réalisation de ces différents aménagements, dont un tapis financé par l’exploitant, le Col de Porte disposera d’une offre structurée avec d’une part un véritable secteur fluide et sécuritaire dédié aux enfants et à l’apprentissage, et d’autre part un secteur ludique, varié et dédié au plaisir.
Qui plus est, le Col de Porte a déposé un dossier dans le cadre du Plan Neige lancé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, afin de financer un réseau de neige de culture et ainsi pouvoir garantir un produit ski aux clients, car l’eau et le froid ne manquent pas au Col.

Quel avenir et quel potentiel économique ?
Didier Bic ne se voile pas la face, « le Col de Porte ne dispose pas d’un potentiel économique phénoménal. Nous ne sommes actuellement pas une station de séjour, hormis peut-être pour des scolaires à l’avenir. En ouvrant simplement tous les jours durant les congés de fin d’année et de février ainsi que les mercredis et les week-ends durant la saison, le nombre de jours total d’exploitation est restreint. Pour amortir les coûts fixes, sans parler des investissements, ce n’est pas évident ». Pour autant, il réfléchit, avec Dominique Pila et les élus locaux, au développement de certains produits et à la création de nouveaux. Déjà, l’implantation du nouveau tapis va pouvoir doper le produit luge, ensuite l’éclairage des pistes et du snowpark va permettre de développer une offre nocturne. En complément, Didier Bic souhaite, en collaboration avec les autres acteurs économiques du Col de Porte, créer et développer des soirées couplant ski et restauration. Des séminaires d’entreprise pourraient également avoir lieu et la station pourrait également être réservée pour un événement privé à l’avenir. Pour ce faire, le Col de Porte se doit de communiquer comme le souligne Didier Bic, « l’un des points faibles aujourd’hui est le manque de communication et de marketing. Il n’y avait pas de site internet, il n’y a pas de webcam, pas de produit commun avec les autres commerçants. Nous devons travailler ces différents points et proposer des produits clé en main ».

Mais, le nouvel exploitant de la station souhaite surtout développer une offre dédiée aux scolaires car le but de la reprise du domaine skiable réside bien là : faire découvrir et aimer le ski aux plus jeunes. Pour ce faire, une salle hors-sac est notamment en cours d’étude. La station est facilement accessible via une ligne de bus depuis Grenoble et « nous comptons sensibiliser les écoles et promouvoir le Col de Porte pour que les enseignants puissent venir avec leur classe découvrir le ski » ajoute Didier Bic. La piste qui était homologuée FIS et qui va dorénavant être illuminée donne également des idées à Didier Bic…tout comme le développement d’une offre estivale. « Aujourd’hui, l’hiver est le modèle, mais demain ? L’été prendra peut-être le pas sur l’hiver et nous devrons nous adapter en développant notamment des produits ludiques ».

L’avenir appartient aux audacieux, il appartient à ceux qui cherchent, qui prennent des risques et Didier Bic en a pris. L’avenir lui donnera raison et chaque débutant qui apprendra à skier au Col également, car là réside bien le pari un peu fou de celui qui exploite désormais le Col de Porte.

Photos : © D.R.