Rencontres Climat Météo Montagne

Alors que les rencontres Climat Météo Montagne ont fait leur retour sur le devant de la scène et s’enrichissent d’un volet dédié au climat, Christian Reverbel a accepté de revenir pour nous sur les origines de cet événement, son actualité et son avenir. Parole au fondateur des rencontres.

Aux origines

Christian Reverbel Fondateur et organisateur des Rencontres Climat Météo Montagne

Montagne Leaders   Comment est née l’idée de créer des rencontres dédiées à la météo en montagne ? Pouvez-vous revenir sur la genèse de cet événement ?
Christian Reverbel :
Les rencontres Météo Montagne sont véritablement nées en 1998. Mais, elles sont issues de la conjugaison de trois faits. D’une part, les messages passés dans la presse, écrite, audio et télévisuelle, étaient parfois réducteurs et ne représentaient pas la réalité de ce qui se passait sur le terrain.
Nous avions déjà, dans les années 1998, la possibilité de gérer des stations de manière très intelligente, la capacité de répondre au manque de neige, au trop de neige avec la sécurité que nous avons mis en place sur les domaines skiables. Nous étions également en mesure d’apporter de bonnes informations sur le ski hors-piste, et nous avions déjà une grande capacité à gérer la neige de culture. Mais, tous ces messages ne passaient pas. Les bulletins étaient trop simples et n’intégraient pas forcément les bons messages. Quand la neige n’était pas ou peu présente, les présentateurs météos préféraient envoyer leurs auditeurs vers des destinations ensoleillées ! Je caricature mais l’idée est là, on ne peut pas dire  : « il n’y a pas de neige, partez à la Guadeloupe, quand de la neige, il y en a ». Quand le risque d’avalanche est marqué, les messages n’étaient également pas adéquats. Je me suis dit que cela ne participait pas à créer une bonne image des stations de ski, et j’ai commencé à me demander comment nous pouvions changer cette vision que beaucoup de personnes avaient.
Le deuxième paramètre, c’est que la notion de centimètres de neige sur les pistes ne veut plus rien dire alors même que les bulletins, notamment télévisés, insistent ou insistaient beaucoup sur ce fait. Hier, les gens disaient que tant qu’il n’y avait pas 40 cm de neige, ils n’allaient pas faire de ski. Aujourd’hui, nous sommes capables d’ouvrir nos domaines skiables avec 15 ou 20 cm de neige, car nous préparons bien les sols l’été, et car la neige de culture nous aide à créer un bon support. Ajoutez à cela quelques centimètres de neige quand on la chance d’en avoir, surtout en début de saison, et vous trouverez un super produit ski. Ce message, il fallait le faire rentrer dans la tête de ceux qui présentaient la météo, qui diffusaient les programmes et de celles et ceux qui les écoutaient, les lisaient ou les voyaient. Pour ce faire, il est nécessaire de leur faire voir, la réalité du terrain.

Je me suis également rendu compte qu’il y avait beaucoup de distorsion entre ce que nous faisions en station, avec Météo France, et ce que je voyais ou écoutais. Il ne faut pas oublier qu’il existe un vaste réseau d’observateurs en France. Il y a par exemple plus de 700 personnes qui font des observations niveau-météo au sein des services des pistes, deux fois par jour, tous les jours de l’hiver, à destination notamment de Météo France qui lui-même a des stations et exploite les résultats. Et quand je regardais les présentateurs dire leur météo, je n’y trouvais pas mon compte. J’ai alors beaucoup réfléchi et j’ai eu la chance, à cette époque ,d’être invité à un colloque sur la météo à Paris pour parler de la sécurité et des avalanches. J’y suis allé, j’ai trouvé cela intéressant et en rentrant en train, je me suis dit : « Bon sang de bois, c’est une bonne idée ce colloque mais pourquoi ne pas le faire en montagne ! ». Comme cela, nous pourrions inviter tout le monde du journalisme afférent à la météo, et je pourrais avoir en face de moi les gens qui parlent de la météo. Ils pourraient alors se rendre compte par eux-mêmes de ce que nous faisons sur le terrain notamment. Je me suis dit que nous pourrions organiser une fois par an des journées pédagogiques mêlant terrain et conférences.

ML : Cette démarche a t-elle été accueillie positivement ?
CR :
Oui, ces journées pédagogiques organisées à leur intention ont tout de suite plu. Le format, deux jours à deux jours et demi, est parfait. Le fait que ces rencontres se déroulent en montagne, au départ à l’Alpe d’Huez, a également beaucoup plu. Le principe était simple, mélanger des scientifiques, des montagnards et des journalistes pour qu’ils échangent, pour qu’ils s’apportent mutuellement. Petit à petit, les rencontres ont pris de plus en plus d’importance, jusqu’à la onzième édition.

ML :  Pourquoi « jusqu’à la onzième édition » ?
CR
: J’ai été obligé d’arrêter l’organisation des rencontres Météo Montagne pour des raisons financières.

ML :  Et pourtant, les rencontres ont à nouveau eu lieu cette année !
CR :
Oui, et quel succès ! Cela a été très difficile, mais paradoxalement une telle joie que j’en ai oublié la difficulté. Aujourd’hui, je suis à la retraite, donc je dois tout faire seul, avec mon ordinateur, mais je me suis découvert des qualités !

ML :  Vous avez tout de même été aidé ?
CR :
Oui. Relancer et organiser à nouveau les rencontres n’auraient pu se faire sans les partenaires, et sans Sophie Mérindol du Service Kom qui m’a accompagné. Je souhaite d’ailleurs en profiter pour adresser mes sincères remerciements à Charles-Ange Ginesy, le président de l’ANMSM, car c’est lui qui a souhaité et œuvré pour que les rencontres redémarrent. Je tiens également à dire un grand merci à Jean-Luc Boch, maire de la Plagne-
Tarentaise et vice-président de l’ANMSM, qui a immédiatement proposé la station de la Plagne comme lieu pour accueillir les rencontres. Je souhaite également remercier Didier Bic, président de l’AFMONT, et l’ensemble des adhérents de cette association regroupant les fournisseurs de matériels de montagne. Il faut leur rendre hommage car ils ont cru aux rencontres et nous ont beaucoup aidés, au même titre que la SAP, en charge de l’exploitation de la station de la Plagne, que Jean-Yves Salle, le directeur général de la station, et que l’ensemble du personnel de l’Office de Tourisme. Nous avons été admirablement bien reçus et rien n’aurait pu se faire sans eux.

ML :  Après onze éditions et une interruption de quelques années, vous auriez pu revoir le format ou le concept. Pour autant, vous avez souhaité repartir sur la même formule. Pourquoi ?
CR :
Déjà, car le format est idéal. Réunir une fois par an et pendant deux jours les journalistes et présentateurs n’est pas chronophage pour eux. Ensuite, le concept est abouti et plaisant pour tout le monde puisque nous alternons des visites de terrain le matin et des conférences l’après-midi. Cela permet d’allier la théorie et la pratique. Cela nous permet par exemple de leur montrer comment sont réalisés les relevés météo, avec quel matériel, mais également de leur présenter les techniques et solutions permettant de fabriquer la neige de culture. Car bien souvent, pour des personnes éloignées des domaines skiables, la neige de culture est vue comme le démon alors qu’il ne s’agit finalement que d’eau et d’air, et l’eau que l’on utilise n’est empruntée que le temps d’un hiver. Cela permet également de leur dire que sans cette neige, on ne peut pas garantir l’ouverture des domaines skiables, donc les emplois, donc l’économie liée au ski et aux activités de montagne.
J’ai souhaité repartir sur la même formule car elle fonctionne et nous permet de faire découvrir toutes les facettes et tous les acteurs d’un domaine skiable. Et ces informations pourront être utiles à ceux qui font et présentent la météo, qu’importe le support.

ML : Concrètement, ces journées aident-elles à mieux faire passer les messages ?
CR :
Oui,  je suis convaincu qu’elles aident car je vois bien les retours que j’en ai. Je m’aperçois que les bulletins changent peu à peu, d’autant plus que certaines
personnes présentes à l’occasion des rencontres viennent parfois nous voir durant l’hiver pour en savoir plus. Je suis régulièrement en lien avec bon nombre de participants. Je remarque également que de plus en plus, ils parlent de neige de culture, de damage et diffusent des vidéos et des photos montrant les domaines skiables et les acteurs de ces derniers. Certains présentateurs, à l’image de Nathalie Rihouet, veulent aller encore plus loin, présenter des bulletins en direct depuis les stations ou insister plus sur certains messages de sécurité. Les clients sont friands des messages de la météo, il faut qu’ils collent à la réalité du terrain, des stations, et les Rencontres Climat Météo Montagne vont dans ce sens.
D’autant plus qu’outre le terrain, nous accueillons de grands conférenciers qui apportent de réelles connaissances. Cette partie conférence est primordiale et nous permet de faire venir de grands noms comme Hervé Le Treut ou Jean-Marc Jancovici, qui sont des visionnaires, des piliers de la COP 21 et qui seront demain les grands communicants de la COP 23, 24,…

ML : Les rencontres n’ont finalement pas pris une ride, mais la notion de climat a fait son apparition. Pourquoi ?
CR :
C’était une demande du président de l’ANMSM, Charles-Ange Ginesy, et j’ai immédiatement adhéré à cette idée. Il faut regarder de près la notion de climatologie car elle est intéressante et source pour nous de nouvelles réflexions. Il est nécessaire que les stations soient de plus vigilantes sur le climat et ses enjeux. Et elles le sont, on le constate. Mais il est nécessaire de poursuivre les efforts engagés.

ML : Comment voyez-vous l’avenir des Rencontres Climat Météo Montagne ?
CR :
Je crois en l’avenir des Rencontres. D’ailleurs, l’ANMSM vient de voter, à l’occasion de son dernier conseil d’administration, la poursuite des Rencontres Climat Météo Montagne. Jean-Luc Boch s’est d’ailleurs immédiatement positionné pour les accueillir à nouveau cette année. Ensuite, il est possible qu’elles partent pour un tour de France des domaines skiables.

Les Rencontres Climat Météo Montagne s’offrent une seconde jeunesse

Après quatre années d’absence, les Rencontres Climat Météo Montagne revenaient enfin sur le devant de la scène du 13 au 15 janvier derniers, et ont à nouveau rassemblé journalistes, météorologues, scientifiques, chercheurs, élus et professionnels de la montagne pour débattre autour de dossiers d’actualité comme la climatologie, l’environnement ou encore les impacts de la météo sur l’économie.

Le programme était riche, et partagé entre des matinées consacrées à des sorties sur le terrain et des après- midi dédiées à des conférences animées par Patrice Drevet. L’objectif de ces rencontres est clairement de sensibiliser les professionnels de la météo aux spécificités de l’environnement montagnard et de participer à l’amélioration de la qualité des bulletins météo. Mais pas uniquement, puisque ces rencontres sont également un lieu de découverte comme le souligne Patrice Drevet, « j’ai découvert le réchauffement climatique au travers de Christian Reverbel et des rencontres, il y a quelques années ».
Pour ce faire, si les visites de terrain sont utiles pour découvrir tous les aspects d’un domaine skiable, les conférences sont primordiales pour se forger une opinion sur la situation actuelle et sur les impacts de la météo notamment. Car oui, la météo est impactante, notamment sur l’économie comme l’a souligné Pascal Bouquet, directeur commercial de Climpact Metnext. « Il existe des produits météo-sensibles, comme les glaces par exemple. L’impact de la météo sur les ventes est réel ». La météo est donc une véritable aide à la décision, au même titre que les bulletins d’avalanche pour un skieur hors-piste ou pour un service des pistes qui doit ou non fermer une piste ou un secteur. Toujours en ce qui concerne les outils d’aide à la décision, les webcams s’imposent de plus en plus comme étant l’outil adéquat. Quel temps fait-il ? A t-il neigé ? Autant de questions qui trouvent très rapidement une réponse comme l’a souligné Jean-Pierre Caurier, président de Skaping.

L’indispensable météo de montagne

Pour déterminer les risques d’avalanches ou l’évolution du manteau neigeux et du climat, il est nécessaire de réaliser des relevés réguliers. Pour ce faire, les différents services des pistes disposent de stations météos et font des relevés quotidiens, tout comme Météo France qui dispose également de postes d’observation. Ces derniers sont implantés sur différents versants et permettent de renseigner rapidement les différents acteurs de la station mais pas uniquement, puisque les données recueillies trouvent également écho auprès de la presse comme l’ont indiqué Michel Clemençon, du service nivo-météo de l’Alpe d’Huez et Cécile Coléou de Météo France. Réalisés durant
tout l’hiver, chaque année, les relevés permettent également de constituer un historique. Et comme l’a souligné Claude Schneider, du service nivo-météo de la Plagne, « on ne peut pas conclure qu’il tombe de moins en moins de neige ». Pour autant, la question de la neige de culture a bien évidemment été abordée, tout comme celle du damage. Il existe d’ailleurs différents outils d’aide à la décision, que ce soit les systèmes qui équipent les dameuses et qui permettent de mesurer la hauteur de neige ou encore les solutions automatiques permettant de produire la juste quantité de neige, au bon moment. Et, comme l’a précisé Hugues François de l’IRSTEA, il existe également des outils puissants de modélisation de l’enneigement des domaines skiables, permettant notamment d’analyser la viabilité d’une destination.

Le climat, un enjeu crucial

Thématique chère au président de l’ANMSM, Charles-Ange Ginésy, le climat était à l’honneur via différentes conférences dont celle présentée par Jean-Marc Jancovici, ingénieur en énergie-climat et expert en la matière.  Ce dernier a tenu à revenir sur la COP21. Le constat dressé fait froid dans le dos, car si aujourd’hui de nombreuses mesures radicales ne sont pas prises, demain il sera trop tard. Les objectifs fixés par les accords de Paris sont d’ores et déjà inatteignables et les politiques mondiales ne semblent pas à la hauteur. Pour justifier cela, une phrase de Jean-Marc Jancovici : « de 2000 à 2015, le charbon a augmenté 26 fois plus que le solaire, et 8 fois plus que l’éolien ». Les articles de presse relatif au charbon sont-ils 26 fois plus nombreux que ceux liés au photovoltaïque, et 8 fois plus nombreux que ceux afférents à l’éolien ?

Les Rencontres Climat Météo Montagne servent également à cela, à ouvrir les yeux, à s’interroger. Une chose est certaine, ces rencontres sont utiles voir indispensables. Alors, rendez-vous très prochainement pour une nouvelle édition qui reprendra ses quartiers à la Plagne.