Grand Ski > Séduire le nouveau touriste chinois

Après le renouvellement des clientèles en 2017, les Rencontres Grand Ski ont cette année encore fait le plein au Manège de Chambéry avec un focus sur les clientèles internationales. L’après-midi était plus particulièrement dédiée à ce marché surveillé par tous les professionnels du tourisme : la Chine… utopie ou réalité ?

Les chiffres de la croissance chinoise dépassent notre perception d’Européens ; et cette croissance impacte positivement l’économie touristique. Une opportunité selon Laurent Cormier, directeur adjoint de Auvergne- Rhône-Alpes Tourisme : n’est-ce pas le moment pour la montagne française, et avec elle tous ses acteurs, de raconter son histoire ? de s’adresser directement aux touristes de l’Empire du Milieu en leur exposant en quoi consiste une journée dans les Alpes françaises ? de leur décrire un patrimoine, des traditions, des activités, et le respect de cet environnement ?
A ses côtés, l’écrivain et producteur Frédéric Lepage a introduit les débats dans un rôle de grand témoin. L’auteur de Bonjour China, fasciné par la tapisserie Voyageurs au milieu des Montagnes et des Ruisseaux – l’œuvre la plus célèbre de Fan Kuan – a compris combien la montagne peut être perçue différemment selon que l’on naît en Chine ou en Europe. Dans la culture ancestrale chinoise, la montagne est tout sauf un lieu d’amusement et de loisirs : lieu de méditation, source d’inspiration artistique, endroit refuge ou encore symbolique de l’obstacle.
Les décennies passant, ces représentations traditionnelles cèdent face à un état de fait politique : pourquoi la Chine serait le seul pays à ne pas valoriser ses territoires de montagne, alors même que la demande intérieure pour cette destination connaît une croissance inédite ? Outre un large volet consacré à la question environnementale, le 13e plan quinquennal chinois prévoit qu’un pourcentage des dépenses des ménages doit être consacré aux sports. Une décision opportune alors que le président chinois Xi Jinping souhaite que le nombre de pratiquants de sports d’hiver, aujourd’hui évalué entre 7 et 15 millions, soit de 300 millions à l’aube des JO de Pékin 2022. Dans ce contexte, et alors que le ski reste en Chine une preuve de statut social, les Alpes ont une opportunité à saisir.

Dépasser Epsilon
Epsilon : c’est ce que tous s’accordent à dire lorsqu’il s’agit d’évaluer la part de la Chine sur le marché français des sports d’hiver. Autant dire pas grand chose. Laurent Chelle (Compagnie des Alpes) fait ainsi le parallèle avec l’ouverture du marché russe voilà quelques années. D’anecdotique, cette clientèle est devenue significative en France. Idem pour la Chine ? A condition de se défaire de certains préjugés erronés martèle Frédéric Lepage : le nouveau touriste chinois est bien loin de l’image d’Epinal l’associant aux voyages groupés en autocar, appareil photo autour du cou, et attiré par la maroquinerie estampillée « LV » ! Les nouveaux touristes chinois sont à la recherche d’une expérience émotionnelle en montagne. Et malgré des domaines skiables locaux toujours plus nombreux et variés, l’offre ski pourrait vite ne pas subvenir à ce besoin d’expérience des sports d’hiver. Frédéric Lepage rappelle ainsi quelques points d‘ombre au sein de l’industrie des sports d’hiver chinoise : des JO 2022 quasi exclusivement permis par la neige de culture alors que la ressource en eau est comptée, un froid intense pouvant devenir inconfortable, ou une vingtaine de sites seulement aux standards européens. Pour autant le Vieux Continent du ski doit revoir son concept traditionnel de séjour aux sports d’hiver pour séduire cette clientèle ; les habitudes de consommation des touristes chinois sont radicalement différentes, et peuvent se limiter à
1 ou 2 jours à la montagne sur la totalité d’un séjour.
Mais dans ce défi de positionnement de son offre touristique, la France a un atout : l’épaisseur de son histoire. Frédéric Lepage conclut ainsi avec trois conseils à celles et ceux qui ambitionnent de réussir auprès des touristes de l’Empire du Milieu :

  • les rassurer : pour l’univers des sports d’hiver, cela passe notamment par une politique de one-stop qui permet d’accéder à tout le nécessaire (forfait, vêtements, matériel…), par des conseils destinés à apprendre par la pédagogie (se repérer dans la station, monter et descendre d’un télésiège,…), ou encore par des repères familiers (présence d’un restaurant chinois) ;
  • s’adapter : parfois ignorées, certaines spécificités chinoises doivent être prises en compte comme les « golden weeks » ; ces périodes de congés n’ont peut-être pas encore été identifiées par tous les acteurs français du tourisme qui se tournent vers la Chine ;
  • construire sa légende : la France a la chance de disposer d’un riche passé lié au développement des sports d’hiver, un véritable potentiel touristique pour pouvoir écrire son histoire et la raconter aux visiteurs du monde entier.

A la recherche de l’entertainment
Si l’offre de ski en Chine devrait rapidement se diversifier, en passant de 1 000 à 3 500 kilomètres de pistes d’ici 2020, la France reste le premier choix des touristes chinois, rappelle Nong Kang (Atout France Chine). Et le shopping est un élément moteur vers la destination, citant à titre d’exemple un groupe de 40 touristes à Chamonix dont la moitié skiait pendant que l’autre faisait les boutiques. Témoignage partagé par un habitué des lieux, Mathieu Dechavanne (Compagnie du Mont Blanc) : « Il ne faut pas se tromper : les Chinois ne recherchent pas du ski mais quelques heures d’entertainment ».
Et lorsqu’ils font leurs emplettes, ces visiteurs seraient ravis de pouvoir régler avec Wechat ! Ce réseau social permet de tout faire – depuis la réservation d’un taxi jusqu’au paiement de facture en passant par la prise de rendez-vous chez le médecin – et notamment payer. Cette technologie qui compte plus de 800 millions d’utilisateurs méritera toute l’attention des professionnels du tourisme de montagne pour exister sur le marché des micro-transactions .
La région Auvergne-Rhône-Alpes a accueilli trois fois les olympiades d’hiver, rappelle Perrine Pelen (Savoie-Mont-Blanc Tourisme), elle est devenue un territoire d’expertise pour les grands évènements et les sports d’hiver. Sur un séjour de 6 nuitées passées en France, un touriste chinois n’en passe que 2 en AURA, un bilan plutôt positif même s’il reste à améliorer, précise Rachel Gregoris (Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme) ;
ce constat de fréquentation ne doit pas faire oublier que les séjours au ski qui ont les faveurs des Chinois sont toujours packagés avec une grande ville (Paris, Lyon).
Plus proche des montagnes, Philippe Gourgaud (Imperial
Palace Annecy) partage l’importance d’un produit touristique composite ; selon lui, l’avenir passera à moyen terme par un produit touristique Ski & Bord de lac. Un peu plus haut en altitude, Yan Liu (ESF Courchevel), première Chinoise monitrice au sein d’une ESF, enregistre parfois le retour de ses compatriotes qui rencontrent des difficultés à trouver de bons packages en France… et trouvent leur bonheur en Suisse !
La Suisse parlons en : avec 400 000 Chinois visitant la Jungfrau, nos voisins de la Confédération ont un temps d’avance, comme l’a amèrement constaté Mathieu Dechavanne au moment de s’attaquer à ce marché de l’Asie : « Pour les touristes chinois, la France n’incarne pas l’image de la montagne, contrairement à la Suisse… Pour certains, Chamonix se situe en Suisse. » Si ce haut lieu de l’alpinisme, des sports d’hiver et de l’olympisme peine à être positionné sur la carte de l’Europe, que dire des autres stations tricolores… Une constatation qui a poussé la CMB à créer la marque Mont Blanc Natural Resort s’appuyant sur la plus haute montagne d’Europe, elle bien identifiée à l’étranger.

Envoyer des signaux positifs
Certains acteurs touristiques, ayant bien identifié ce marché chinois, ont fait d’autres choix stratégiques, c’est le cas du Club Med : « Aujourd’hui 100 millions de Chinois ont les moyens de se payer des vacances, relève Xavier le Guillermic, directeur de la stratégie Montagne du groupe, l’objectif est de les acculturer à la montagne. Pour cela, nous avons fait le choix d’apprendre aux Chinois à skier chez eux. » Une manière d’organiser maintenant leur consommation de ski dans 5 ans. Et le Club Med murit d’autres projets pour envoyer des signaux positifs, comme inviter l’équipe nationale chinoise à venir s’entraîner en France, ou imaginer des jardins des neiges dédiés aux adultes pour ne plus les catégoriser avec les enfants débutants.
Il est important de séduire, et cela passe parfois par des détails. Li Guo  (Shangai Business International Travel) témoigne : la précision des informations sur les sites internet est fondamentale, à défaut d’être un critère essentiel de choix, elle peut devenir éliminatoire en un seul clic si le touriste ne trouve pas l’information utile dans sa langue ! 14 heures d’avion et 2 heures de route : c’est le passage obligé de tout touriste chinois qui souhaiterait venir au cœur des montagnes françaises, rappelle-t-elle. Seuls des visiteurs fortunés s’offrent ce type de voyage ; alors une fois sur place, l’objectif est de faire plaisir à toute la famille : les marques et la mode, la gastronomie Michelin et les hôtels multi-étoilés ! La séduction est également gustative : « La clientèle chinoise est sensible à la gastronomie, et de plus en plus « aventureuse » dans son assiette » témoigne Philippe Gourgaud.

Avancer groupés
Autour de la table, deux principes font l’unanimité. L’esprit d’équipe tout d’abord, exprimé par Laurent Chelle qui évoque la nécessité de mutualiser pour une meilleure lisibilité, la compétitivité (face à l’Autriche, les Etats-Unis ou le Canada), et pour composer une équipe de France performante, à l’instar du mouvement mené par le Cluster Montagne et décrit par Nathalie Saint-Marcel. Perrine Pelen évoque également ce besoin d’un collectif de stations tournées vers la Chine. Des professionnels du tourisme de montagne fédérés et en adéquation avec les grandes agglomérations pour créer des city tour…
Et l’accessibilité ensuite, la montagne française doit pouvoir proposer du ski et de l’altitude mais pas seulement, conclut Laurent Cormier, soulignant un autre détail et non des moindres : « On ne peut pas travailler indépendamment du monde des transports ; qu’il s’agisse d’avions, de trains, de bus, de taxis… la synchronisation doit être parfaite. » Et oui : que retenir d’un séjour, aussi beau soit-il, si la quinzaine d’heures de transport pour venir vous gâche la première impression…

Les chiffres de la croissance chinoise dépassent notre perception d’Européens ; et cette croissance impacte positivement l’économie touristique. Une opportunité selon Laurent Cormier, directeur adjoint de Auvergne- Rhône-Alpes Tourisme : n’est-ce pas le moment pour la montagne française, et avec elle tous ses acteurs, de raconter son histoire ? de s’adresser directement aux touristes de l’Empire du Milieu en leur exposant en quoi consiste une journée dans les Alpes françaises ? de leur décrire un patrimoine, des traditions, des activités, et le respect de cet environnement ?
A ses côtés, l’écrivain et producteur Frédéric Lepage a introduit les débats dans un rôle de grand témoin. L’auteur de Bonjour China, fasciné par la tapisserie Voyageurs au milieu des Montagnes et des Ruisseaux – l’œuvre la plus célèbre de Fan Kuan – a compris combien la montagne peut être perçue différemment selon que l’on naît en Chine ou en Europe. Dans la culture ancestrale chinoise, la montagne est tout sauf un lieu d’amusement et de loisirs : lieu de méditation, source d’inspiration artistique, endroit refuge ou encore symbolique de l’obstacle.
Les décennies passant, ces représentations traditionnelles cèdent face à un état de fait politique : pourquoi la Chine serait le seul pays à ne pas valoriser ses territoires de montagne, alors même que la demande intérieure pour cette destination connaît une croissance inédite ? Outre un large volet consacré à la question environnementale, le 13e plan quinquennal chinois prévoit qu’un pourcentage des dépenses des ménages doit être consacré aux sports. Une décision opportune alors que le président chinois Xi Jinping souhaite que le nombre de pratiquants de sports d’hiver, aujourd’hui évalué entre 7 et 15 millions, soit de 300 millions à l’aube des JO de Pékin 2022. Dans ce contexte, et alors que le ski reste en Chine une preuve de statut social, les Alpes ont une opportunité à saisir.

Dépasser Epsilon
Epsilon : c’est ce que tous s’accordent à dire lorsqu’il s’agit d’évaluer la part de la Chine sur le marché français des sports d’hiver. Autant dire pas grand chose. Laurent Chelle (Compagnie des Alpes) fait ainsi le parallèle avec l’ouverture du marché russe voilà quelques années. D’anecdotique, cette clientèle est devenue significative en France. Idem pour la Chine ? A condition de se défaire de certains préjugés erronés martèle Frédéric Lepage : le nouveau touriste chinois est bien loin de l’image d’Epinal l’associant aux voyages groupés en autocar, appareil photo autour du cou, et attiré par la maroquinerie estampillée « LV » ! Les nouveaux touristes chinois sont à la recherche d’une expérience émotionnelle en montagne. Et malgré des domaines skiables locaux toujours plus nombreux et variés, l’offre ski pourrait vite ne pas subvenir à ce besoin d’expérience des sports d’hiver. Frédéric Lepage rappelle ainsi quelques points d‘ombre au sein de l’industrie des sports d’hiver chinoise : des JO 2022 quasi exclusivement permis par la neige de culture alors que la ressource en eau est comptée, un froid intense pouvant devenir inconfortable, ou une vingtaine de sites seulement aux standards européens. Pour autant le Vieux Continent du ski doit revoir son concept traditionnel de séjour aux sports d’hiver pour séduire cette clientèle ; les habitudes de consommation des touristes chinois sont radicalement différentes, et peuvent se limiter à
1 ou 2 jours à la montagne sur la totalité d’un séjour.
Mais dans ce défi de positionnement de son offre touristique, la France a un atout : l’épaisseur de son histoire. Frédéric Lepage conclut ainsi avec trois conseils à celles et ceux qui ambitionnent de réussir auprès des touristes de l’Empire du Milieu :

  • les rassurer : pour l’univers des sports d’hiver, cela passe notamment par une politique de one-stop qui permet d’accéder à tout le nécessaire (forfait, vêtements, matériel…), par des conseils destinés à apprendre par la pédagogie (se repérer dans la station, monter et descendre d’un télésiège,…), ou encore par des repères familiers (présence d’un restaurant chinois) ;
  • s’adapter : parfois ignorées, certaines spécificités chinoises doivent être prises en compte comme les « golden weeks » ; ces périodes de congés n’ont peut-être pas encore été identifiées par tous les acteurs français du tourisme qui se tournent vers la Chine ;
  • construire sa légende : la France a la chance de disposer d’un riche passé lié au développement des sports d’hiver, un véritable potentiel touristique pour pouvoir écrire son histoire et la raconter aux visiteurs du monde entier.

A la recherche de l’entertainment
Si l’offre de ski en Chine devrait rapidement se diversifier, en passant de 1 000 à 3 500 kilomètres de pistes d’ici 2020, la France reste le premier choix des touristes chinois, rappelle Nong Kang (Atout France Chine). Et le shopping est un élément moteur vers la destination, citant à titre d’exemple un groupe de 40 touristes à Chamonix dont la moitié skiait pendant que l’autre faisait les boutiques. Témoignage partagé par un habitué des lieux, Mathieu Dechavanne (Compagnie du Mont Blanc) : « Il ne faut pas se tromper : les Chinois ne recherchent pas du ski mais quelques heures d’entertainment ».
Et lorsqu’ils font leurs emplettes, ces visiteurs seraient ravis de pouvoir régler avec Wechat ! Ce réseau social permet de tout faire – depuis la réservation d’un taxi jusqu’au paiement de facture en passant par la prise de rendez-vous chez le médecin – et notamment payer. Cette technologie qui compte plus de 800 millions d’utilisateurs méritera toute l’attention des professionnels du tourisme de montagne pour exister sur le marché des micro-transactions .
La région Auvergne-Rhône-Alpes a accueilli trois fois les olympiades d’hiver, rappelle Perrine Pelen (Savoie-Mont-Blanc Tourisme), elle est devenue un territoire d’expertise pour les grands évènements et les sports d’hiver. Sur un séjour de 6 nuitées passées en France, un touriste chinois n’en passe que 2 en AURA, un bilan plutôt positif même s’il reste à améliorer, précise Rachel Gregoris (Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme) ;
ce constat de fréquentation ne doit pas faire oublier que les séjours au ski qui ont les faveurs des Chinois sont toujours packagés avec une grande ville (Paris, Lyon).
Plus proche des montagnes, Philippe Gourgaud (Imperial
Palace Annecy) partage l’importance d’un produit touristique composite ; selon lui, l’avenir passera à moyen terme par un produit touristique Ski & Bord de lac. Un peu plus haut en altitude, Yan Liu (ESF Courchevel), première Chinoise monitrice au sein d’une ESF, enregistre parfois le retour de ses compatriotes qui rencontrent des difficultés à trouver de bons packages en France… et trouvent leur bonheur en Suisse !
La Suisse parlons en : avec 400 000 Chinois visitant la Jungfrau, nos voisins de la Confédération ont un temps d’avance, comme l’a amèrement constaté Mathieu Dechavanne au moment de s’attaquer à ce marché de l’Asie : « Pour les touristes chinois, la France n’incarne pas l’image de la montagne, contrairement à la Suisse… Pour certains, Chamonix se situe en Suisse. » Si ce haut lieu de l’alpinisme, des sports d’hiver et de l’olympisme peine à être positionné sur la carte de l’Europe, que dire des autres stations tricolores… Une constatation qui a poussé la CMB à créer la marque Mont Blanc Natural Resort s’appuyant sur la plus haute montagne d’Europe, elle bien identifiée à l’étranger.

Envoyer des signaux positifs
Certains acteurs touristiques, ayant bien identifié ce marché chinois, ont fait d’autres choix stratégiques, c’est le cas du Club Med : « Aujourd’hui 100 millions de Chinois ont les moyens de se payer des vacances, relève Xavier le Guillermic, directeur de la stratégie Montagne du groupe, l’objectif est de les acculturer à la montagne. Pour cela, nous avons fait le choix d’apprendre aux Chinois à skier chez eux. » Une manière d’organiser maintenant leur consommation de ski dans 5 ans. Et le Club Med murit d’autres projets pour envoyer des signaux positifs, comme inviter l’équipe nationale chinoise à venir s’entraîner en France, ou imaginer des jardins des neiges dédiés aux adultes pour ne plus les catégoriser avec les enfants débutants.
Il est important de séduire, et cela passe parfois par des détails. Li Guo  (Shangai Business International Travel) témoigne : la précision des informations sur les sites internet est fondamentale, à défaut d’être un critère essentiel de choix, elle peut devenir éliminatoire en un seul clic si le touriste ne trouve pas l’information utile dans sa langue ! 14 heures d’avion et 2 heures de route : c’est le passage obligé de tout touriste chinois qui souhaiterait venir au cœur des montagnes françaises, rappelle-t-elle. Seuls des visiteurs fortunés s’offrent ce type de voyage ; alors une fois sur place, l’objectif est de faire plaisir à toute la famille : les marques et la mode, la gastronomie Michelin et les hôtels multi-étoilés ! La séduction est également gustative : « La clientèle chinoise est sensible à la gastronomie, et de plus en plus « aventureuse » dans son assiette » témoigne Philippe Gourgaud.

Avancer groupés
Autour de la table, deux principes font l’unanimité. L’esprit d’équipe tout d’abord, exprimé par Laurent Chelle qui évoque la nécessité de mutualiser pour une meilleure lisibilité, la compétitivité (face à l’Autriche, les Etats-Unis ou le Canada), et pour composer une équipe de France performante, à l’instar du mouvement mené par le Cluster Montagne et décrit par Nathalie Saint-Marcel. Perrine Pelen évoque également ce besoin d’un collectif de stations tournées vers la Chine. Des professionnels du tourisme de montagne fédérés et en adéquation avec les grandes agglomérations pour créer des city tour…
Et l’accessibilité ensuite, la montagne française doit pouvoir proposer du ski et de l’altitude mais pas seulement, conclut Laurent Cormier, soulignant un autre détail et non des moindres : « On ne peut pas travailler indépendamment du monde des transports ; qu’il s’agisse d’avions, de trains, de bus, de taxis… la synchronisation doit être parfaite. » Et oui : que retenir d’un séjour, aussi beau soit-il, si la quinzaine d’heures de transport pour venir vous gâche la première impression…

Les chiffres de la croissance chinoise dépassent notre perception d’Européens ; et cette croissance impacte positivement l’économie touristique. Une opportunité selon Laurent Cormier, directeur adjoint de Auvergne- Rhône-Alpes Tourisme : n’est-ce pas le moment pour la montagne française, et avec elle tous ses acteurs, de raconter son histoire ? de s’adresser directement aux touristes de l’Empire du Milieu en leur exposant en quoi consiste une journée dans les Alpes françaises ? de leur décrire un patrimoine, des traditions, des activités, et le respect de cet environnement ?
A ses côtés, l’écrivain et producteur Frédéric Lepage a introduit les débats dans un rôle de grand témoin. L’auteur de Bonjour China, fasciné par la tapisserie Voyageurs au milieu des Montagnes et des Ruisseaux – l’œuvre la plus célèbre de Fan Kuan – a compris combien la montagne peut être perçue différemment selon que l’on naît en Chine ou en Europe. Dans la culture ancestrale chinoise, la montagne est tout sauf un lieu d’amusement et de loisirs : lieu de méditation, source d’inspiration artistique, endroit refuge ou encore symbolique de l’obstacle.
Les décennies passant, ces représentations traditionnelles cèdent face à un état de fait politique : pourquoi la Chine serait le seul pays à ne pas valoriser ses territoires de montagne, alors même que la demande intérieure pour cette destination connaît une croissance inédite ? Outre un large volet consacré à la question environnementale, le 13e plan quinquennal chinois prévoit qu’un pourcentage des dépenses des ménages doit être consacré aux sports. Une décision opportune alors que le président chinois Xi Jinping souhaite que le nombre de pratiquants de sports d’hiver, aujourd’hui évalué entre 7 et 15 millions, soit de 300 millions à l’aube des JO de Pékin 2022. Dans ce contexte, et alors que le ski reste en Chine une preuve de statut social, les Alpes ont une opportunité à saisir.

Dépasser Epsilon
Epsilon : c’est ce que tous s’accordent à dire lorsqu’il s’agit d’évaluer la part de la Chine sur le marché français des sports d’hiver. Autant dire pas grand chose. Laurent Chelle (Compagnie des Alpes) fait ainsi le parallèle avec l’ouverture du marché russe voilà quelques années. D’anecdotique, cette clientèle est devenue significative en France. Idem pour la Chine ? A condition de se défaire de certains préjugés erronés martèle Frédéric Lepage : le nouveau touriste chinois est bien loin de l’image d’Epinal l’associant aux voyages groupés en autocar, appareil photo autour du cou, et attiré par la maroquinerie estampillée « LV » ! Les nouveaux touristes chinois sont à la recherche d’une expérience émotionnelle en montagne. Et malgré des domaines skiables locaux toujours plus nombreux et variés, l’offre ski pourrait vite ne pas subvenir à ce besoin d’expérience des sports d’hiver. Frédéric Lepage rappelle ainsi quelques points d‘ombre au sein de l’industrie des sports d’hiver chinoise : des JO 2022 quasi exclusivement permis par la neige de culture alors que la ressource en eau est comptée, un froid intense pouvant devenir inconfortable, ou une vingtaine de sites seulement aux standards européens. Pour autant le Vieux Continent du ski doit revoir son concept traditionnel de séjour aux sports d’hiver pour séduire cette clientèle ; les habitudes de consommation des touristes chinois sont radicalement différentes, et peuvent se limiter à
1 ou 2 jours à la montagne sur la totalité d’un séjour.
Mais dans ce défi de positionnement de son offre touristique, la France a un atout : l’épaisseur de son histoire. Frédéric Lepage conclut ainsi avec trois conseils à celles et ceux qui ambitionnent de réussir auprès des touristes de l’Empire du Milieu :

  • les rassurer : pour l’univers des sports d’hiver, cela passe notamment par une politique de one-stop qui permet d’accéder à tout le nécessaire (forfait, vêtements, matériel…), par des conseils destinés à apprendre par la pédagogie (se repérer dans la station, monter et descendre d’un télésiège,…), ou encore par des repères familiers (présence d’un restaurant chinois) ;
  • s’adapter : parfois ignorées, certaines spécificités chinoises doivent être prises en compte comme les « golden weeks » ; ces périodes de congés n’ont peut-être pas encore été identifiées par tous les acteurs français du tourisme qui se tournent vers la Chine ;
  • construire sa légende : la France a la chance de disposer d’un riche passé lié au développement des sports d’hiver, un véritable potentiel touristique pour pouvoir écrire son histoire et la raconter aux visiteurs du monde entier.

A la recherche de l’entertainment
Si l’offre de ski en Chine devrait rapidement se diversifier, en passant de 1 000 à 3 500 kilomètres de pistes d’ici 2020, la France reste le premier choix des touristes chinois, rappelle Nong Kang (Atout France Chine). Et le shopping est un élément moteur vers la destination, citant à titre d’exemple un groupe de 40 touristes à Chamonix dont la moitié skiait pendant que l’autre faisait les boutiques. Témoignage partagé par un habitué des lieux, Mathieu Dechavanne (Compagnie du Mont Blanc) : « Il ne faut pas se tromper : les Chinois ne recherchent pas du ski mais quelques heures d’entertainment ».
Et lorsqu’ils font leurs emplettes, ces visiteurs seraient ravis de pouvoir régler avec Wechat ! Ce réseau social permet de tout faire – depuis la réservation d’un taxi jusqu’au paiement de facture en passant par la prise de rendez-vous chez le médecin – et notamment payer. Cette technologie qui compte plus de 800 millions d’utilisateurs méritera toute l’attention des professionnels du tourisme de montagne pour exister sur le marché des micro-transactions .
La région Auvergne-Rhône-Alpes a accueilli trois fois les olympiades d’hiver, rappelle Perrine Pelen (Savoie-Mont-Blanc Tourisme), elle est devenue un territoire d’expertise pour les grands évènements et les sports d’hiver. Sur un séjour de 6 nuitées passées en France, un touriste chinois n’en passe que 2 en AURA, un bilan plutôt positif même s’il reste à améliorer, précise Rachel Gregoris (Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme) ;
ce constat de fréquentation ne doit pas faire oublier que les séjours au ski qui ont les faveurs des Chinois sont toujours packagés avec une grande ville (Paris, Lyon).
Plus proche des montagnes, Philippe Gourgaud (Imperial
Palace Annecy) partage l’importance d’un produit touristique composite ; selon lui, l’avenir passera à moyen terme par un produit touristique Ski & Bord de lac. Un peu plus haut en altitude, Yan Liu (ESF Courchevel), première Chinoise monitrice au sein d’une ESF, enregistre parfois le retour de ses compatriotes qui rencontrent des difficultés à trouver de bons packages en France… et trouvent leur bonheur en Suisse !
La Suisse parlons en : avec 400 000 Chinois visitant la Jungfrau, nos voisins de la Confédération ont un temps d’avance, comme l’a amèrement constaté Mathieu Dechavanne au moment de s’attaquer à ce marché de l’Asie : « Pour les touristes chinois, la France n’incarne pas l’image de la montagne, contrairement à la Suisse… Pour certains, Chamonix se situe en Suisse. » Si ce haut lieu de l’alpinisme, des sports d’hiver et de l’olympisme peine à être positionné sur la carte de l’Europe, que dire des autres stations tricolores… Une constatation qui a poussé la CMB à créer la marque Mont Blanc Natural Resort s’appuyant sur la plus haute montagne d’Europe, elle bien identifiée à l’étranger.

Envoyer des signaux positifs
Certains acteurs touristiques, ayant bien identifié ce marché chinois, ont fait d’autres choix stratégiques, c’est le cas du Club Med : « Aujourd’hui 100 millions de Chinois ont les moyens de se payer des vacances, relève Xavier le Guillermic, directeur de la stratégie Montagne du groupe, l’objectif est de les acculturer à la montagne. Pour cela, nous avons fait le choix d’apprendre aux Chinois à skier chez eux. » Une manière d’organiser maintenant leur consommation de ski dans 5 ans. Et le Club Med murit d’autres projets pour envoyer des signaux positifs, comme inviter l’équipe nationale chinoise à venir s’entraîner en France, ou imaginer des jardins des neiges dédiés aux adultes pour ne plus les catégoriser avec les enfants débutants.
Il est important de séduire, et cela passe parfois par des détails. Li Guo  (Shangai Business International Travel) témoigne : la précision des informations sur les sites internet est fondamentale, à défaut d’être un critère essentiel de choix, elle peut devenir éliminatoire en un seul clic si le touriste ne trouve pas l’information utile dans sa langue ! 14 heures d’avion et 2 heures de route : c’est le passage obligé de tout touriste chinois qui souhaiterait venir au cœur des montagnes françaises, rappelle-t-elle. Seuls des visiteurs fortunés s’offrent ce type de voyage ; alors une fois sur place, l’objectif est de faire plaisir à toute la famille : les marques et la mode, la gastronomie Michelin et les hôtels multi-étoilés ! La séduction est également gustative : « La clientèle chinoise est sensible à la gastronomie, et de plus en plus « aventureuse » dans son assiette » témoigne Philippe Gourgaud.

Avancer groupés
Autour de la table, deux principes font l’unanimité. L’esprit d’équipe tout d’abord, exprimé par Laurent Chelle qui évoque la nécessité de mutualiser pour une meilleure lisibilité, la compétitivité (face à l’Autriche, les Etats-Unis ou le Canada), et pour composer une équipe de France performante, à l’instar du mouvement mené par le Cluster Montagne et décrit par Nathalie Saint-Marcel. Perrine Pelen évoque également ce besoin d’un collectif de stations tournées vers la Chine. Des professionnels du tourisme de montagne fédérés et en adéquation avec les grandes agglomérations pour créer des city tour…
Et l’accessibilité ensuite, la montagne française doit pouvoir proposer du ski et de l’altitude mais pas seulement, conclut Laurent Cormier, soulignant un autre détail et non des moindres : « On ne peut pas travailler indépendamment du monde des transports ; qu’il s’agisse d’avions, de trains, de bus, de taxis… la synchronisation doit être parfaite. » Et oui : que retenir d’un séjour, aussi beau soit-il, si la quinzaine d’heures de transport pour venir vous gâche la première impression…